Semaine 10, chères études et fête nationale !
Lundi 11 juillet 2005, 20 saratan 1384. Le plus souvent, notre rue est inondée : il paraît qu'il y a un hamman un peu plus haut, probablement là où souvent sont garés des poids lourds. Encore un peu plus haut, on passe devant un ancien haut lieu estudiantin, le cinéma Aryoub, maintenant désaffecté.
Aujourd'hui au téléphone, j'entendais la France comme si c'était la maison d'à côté !

En haut de la rue...
   En haut de la rue...

Mardi 12 juillet 2005, 21 saratan 1384. Se-chambé, le jour où je dois récupérer chez le tailleur une tenue appropriée à mon travail de terrain : un perhan-tamboun dans un tissu à petits imprimés fleurettes... qui me permet de passer - presque - inaperçue en ville !... ou tout du moins de ne pas choquer un interlocuteur pointilleux sur la présentation des femmes. Bien sûr, il faut l'assortir d'un voile coordonné !
Mais toute la journée j'ai essayé de joindre au téléphone mon futur prochain rendez-vous, le prof de charia' qui est le propre gendre de Sayyaf, le leader le plus fondamentaliste du djihad... L'un des chiffres du numéro qu'il a écrit sur une carte à mon intention peut se lire 7, ou 4... Avec le 7, ma première interprétation, je tombe sur un homme qui a l'air mort de rire en entendant ma voix... Je demande à Choukour de confirmer... que c'est bien un mauvais numéro !
Et avec le 4, ça tombe sur un message vocal du réseau : 'votre correspondant est injoignable, ou hors de portée...' Peut-être que ce respectable théologien est tout simplement en train d'honorer la générosité divine... dans sa résidence de Paghman (vous savez, là où l'air est frais, et les maisons hors de prix...), là où, d'ailleurs, il m'avait invitée pour procéder à l'interview, ce que j'ai pudiquement décliné...

Boutique de photocopies...
   Boutique de photocopies...

Mercredi 13 juillet 2005, 22 saratan 1384. Bon, après vérification auprès de Habibullah, c'était un 9 ! Encore une incompatibilité culturelle, pfff... Je ne me plains pas, j'ai enfin eu mon entretien avec Abou Baker... pour lequel c'est Aman, un étudiant de 4ème année, qui m'a servi d'interprète... merci à lui !
Je ne suis pas déçue : après de grandes envolées concernant l'égalité affirmée dans la constitution (à l'en croire, c'est lui qui en serait l'instigateur direct), cet éminent théologien, qui a bénéficié de l'enseignement des meilleures universités arabes et pakistanaises - affirme puissamment que oui, l'islam est en faveur de l'égalité des droits des hommes et des femmes devant la loi... seulement !!!
Parce que dans le privé; il n'en est plus question, Dieu a créé la femme de l'homme, alors elle ne peut être son égale, c'est d'ailleurs évident... La femme est douce et tendre, elle ne peut pas faire la guerre, et son intelligence limitée s'applique le mieux à l'éducation des enfants, ce que les hommes ne savent pas faire...

Message personnel qui n'a rien à voir : la maison du gouverneur de Mazar...
   Message personnel qui n'a rien à voir : la maison du gouverneur de Mazar...

La bonne nouvelle du jour ? Je deviens le webmaster officiel de MRCA - l'assoce qui m'héberge... Ne cherchez pas, le site n'existe pas encore, justement ! C'est un échange de bons procédés qui arrange tout le monde.
Jeudi 14 juillet 2005, 23 saratan 1384. Fête nationale ! Question du petit matin : y aura-t-il un feu d'artifice, ce soir, à l'ambassade où tous les Français sont invités ? Selon Amélie, qui a déjà pratiqué et nous fait bénéficier de son ancienneté à Kaboul, les seuls jeux de lumière qu'elle ait remarqués jusqu'ici, ce sont les fusées éclairantes qui servent de leurre pour les missiles au passage de l'avion d'un VIP, comme Condoleeza Rice par exemple ; ou encore les gigantesques arcs électriques qui illuminent la ville d'une lumière verte quand deux fils à haute tension se touchent au gré du vent, ou autre incident...
Ceci dit, avant les festivités du soir, réservées aux Français de Kaboul et aux éminents Afghans que la France veut honorer (ce soir ce sera des palmes académiques, notamment pour le Pr. Habibullah que j'ai interviewé la semaine dernière), la journée est laborieuse pour tout le monde, et je le prouve...>
Et quand on n'a pas pour seul objectif de vérifier si les vins français sont à la hauteur de leur réputation, les mondanités peuvent aussi être l'occasion de prendre des contacts, comme chacun sait.

Tout le monde travaille le 14 juillet à Kaboul...
   Tout le monde travaille le 14 juillet à Kaboul...
Vendredi 15 juillet 2005, 24 saratan 1384: Pendant que mes camarades récupèrent de leur difficile veillée (ils ont exploré la piste 'goûteurs de grands crûs' et le résultat n'était pas à la hauteur de leurs attentes...), je fait le point des possibilités qui se sont offertes pour moi : un traducteur pour mon livre ? un financement pour la traduction de mon livre ? un contact précis aux services de l'Union européenne ? une piste pour participer à la mission d'observation des élections ? une ONG qui démarre un atelier de formation d'adolescentes ? une autre qui étudie une action de sensibilisation aux droits des femmes ?
Dans l'après-midi, j'ai interviewé Mezhgan... qui décrit avec beaucoup de finesse comment l'individu est soumis, et même nié, dans la structure familiale et clanique. Pour avoir refusé d'épouser son cousin, elle a été traitée d'égoïste et vaniteuse (en dari khodkhâh, celui qui veut pour et par lui-même).
Détail qui n'a rien à voir (et message personnel...), Mezhgan fait partie du clan Timouri, elle est une descendante du grand amir...

Cette photo date de la semaine dernière,
mais un peu de fraîcheur ne peut pas nous faire de mal...
   Cette photo date de la semaine dernière, mais un peu de fraîcheur ne peut pas nous faire de mal...

Samedi 16 juillet 2005, 25 saratan 1384, visite au musée archéologique, qui fut entièrement dévasté par les talibans. Des pièces magnifiques ont été mutilées, défigurées, réduites en puzzle. Dans la salle de restauration, les techniciens s'affairent désespérément au milieu de tables couvertes de fragments étiquetés...
Ce petit musée avait été installé par le roi juste à côté de son grand palais, le Darulaman : il se plaisait à le fournir des plus belles découvertes faites par des équipes venues du monde entier, pour les montrer à ses visiteurs en témoignage de la grande, longue et riche histoire de son pays.
Des fenêtres du musée on aperçoit également, reléguée dans le jardin comme un autre fantasme de grandeur, la carcasse d'un train authentique : locomotive, tandem et wagons, ont été posés là quand le roi en reçut livraison à sa demande, et jamais déplacés depuis car aucune voie ferrée ne fut jamais construite pour faire rouler le convoi...

Il était un roi qui rêvait de trains...
   Il était un roi qui rêvait de trains...

L'après-midi, accompagnée de Mezhgan comme interprète, j'ai interviewé Maryam, professeur de psychologie à l'Université. Commentaire de Mezhgan :"On a l'impression que beaucoup de gens ont subi un lavage de cerveau..."
Dimanche 17 juillet 2005, 26 saratan 1384... pour moi, la semaine ne veut toujours pas commencer ! Amélie part le matin travailler, bien sûr, mais le soir elle va à la messe, dans la chapelle de l'ambassade d'Italie où se retrouve toute la population expatriée pour laquelle ce jour reste un repère... Ça me fait penser aux retrouvailles familiales, affectueuses et endimanchées de mon enfance, sur la terrasse de Gramat, dont les paysages ressemblent d'ailleurs à ceux des jardins de Paghman.

Paysage de Paghman...
   Paysage de Paghman...

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