Dernière semaine...?
Lundi 1er août 2005, 10 assad 1384. Ce matin j'ai rendez-vous avec le secrétaire général adjoint du futur parlement afghan. Comme vous le savez, l'assemblée afghane doit être élue le 18 septembre prochain, et l'on se prépare activement à l'accueillir. Des locaux exigus sont en cours d'aménagement au sud de la ville, non loin du Darulaman (qui ne pourra évidemment pas servir à cet effet... vu son état actuel).
Je suis arrivée dans le bureau de M. Malwan accompagnée de Moudjib comme interprète, ce qui s'est avéré superflu car mon interlocuteur parle un anglais parfait.
Il se montre animé d'une profonde détermination à faire réussir le processus démocratique en cours, qui ne peut aboutir qu'avec le soutien indéfectible de la communauté internationale... laquelle commence pourtant à montrer quelques faiblesses : il manque toujours quelques dizaines de millions de dollars pour financer les élections.

Ce magnifique bâtiment en construction n'abritera pas le parlement...
mais l'université islamique chiite qui lui est quasi-mitoyenne
...et a trouvé sans difficultés des financements.
   L'université islamique en construction

Mardi 2 août 2005, 11 assad 1384. Tôt le matin, je suis réveillée par des voix dans le jardin : une fois par mois, des enfants du voisinage viennent couper l'herbe à la serpette, et la ramassent, probablement pour la donner à leurs animaux. Aujourd'hui, ils ont aussi emporté tout un massif de plantes que Stéphane, notre agronome domestique, avait semées pour voir... Partie la jolie salade dont personne ne connaît le nom, mais dont Palwasha venait de nous dire qu'on la cuisine ici comme des épinards !
Dans la matinée, dans un coin de la fac' avec Moudjib, j'ai passé quelques temps à décrypter les grands titres d'un recueil de poésies traditionnelles, Pandj gandj, ou Cinq trésors. C'est une série de préceptes moraux, lus dans les mosquées après le prêche et accueillis par les gens simples avec d'autant plus de vénération que la langue leur en est accessible...
À l'un deux cent fois la foi, à l'autre tout juste la pitance...

Faucheurs d'herbe...
   Faucheurs d'herbe...

En fin d'après-midi, Amélie ajoute une nouvelle perle au collier de maladies successives qu'elle a collectionnées depuis deux mois : l'analyse bactériologique a détecté une salmonelle : fièvre typhoïde... L'équipe médicale de MRCA est presque rassurée : ça, ils connaissent ! Ils s'accordent sur le traitement antibiotique (à l'aveugle puisqu'il n'existe pas d'antibiogramme ici), tout en convenant que s'il n'y a pas d'amélioration dans la semaine, il faudra prévoir un rapatriement.
Mercredi 3 août 2005, 12 assad 1384. La mission européenne d'observation des élections, menée par Emma Bonino, vient d'arriver à Kaboul. Ils ont emménagé dans une des belles villas du quartier des ambassades, et sont en train de recruter des personnels locaux, dans une ambiance feutrée qui reproduit celle des palais de l'intelligentsia internationale.
Sans nouvelles de la candidature que j'ai envoyée à Paris il y a longtemps déjà pour être observateur, je suis allée me présenter directement. "Les procédures étant ce qu'elles sont, nous ne pouvons passer par-dessus les choix de nos États membres..." En clair, je ne suis pas dans les petits papiers du MAE, donc ceinture. Mais la mission doit produire un 'rapport sur le processus de démocratisation' à l'issue des opérations. Alors, me dit-on, mes informations seraient les bienvenues... je demande des précisions, mais les réponses évasives m'amènent à penser qu'il s'agirait d'une 'contribution volontaire', sans qu'il soit fait mention d'une quelconque contrepartie !
Je perçois comme un léger décalage entre nos élégants fonctionnaires européens, et la réalité...

Du haut de 'notre' montagne...
   Du haut de 'notre' montagne...

Ce soir, Palwasha prend l'avion pour les Etats-Unis ! Pendant trois semaines, elle sera l'hôte d'une association américaine qui invite six femmes afghanes à une formation de women empowerment... Tout un programme !
Jeudi et vendredi 4 et 5 août 2005, 13 et 14 assad 1384. Calme à la guest house MRCA : je passe mon temps avec Amélie, à regarder des DVD pour lui changer les idées, entre deux poussées de fièvre. Malgré ce qu'on nous en a dit, ça reste impressionnant de la voir osciller entre des périodes de relatif confort et des moments de malaise intense, avec des pointes de température à 41 degrés, vomissements, maux de tête ou douleurs abdominales. L'évolution est 'normale' et non inquiétante, nous dit-on.

Amélie au jardin des femmes il y a quinze jours.
   Amélie au jardin des femmes il y a quinze jours.

Samedi 6 août 2005, 15 assad 1384. Bon, il est temps de préparer le retour... A l'injonction de mes colocataires, je me rend au bureau des passeports : j'avais obtenu un visa de trois mois, et ils m'assurent que sa validité compte à partir de la date d'obtention, soit le 4 mai, au moment où je suis passée à l'ambassade à Paris, avant mon départ. Il faut que je le fasse prolonger à partir du 3 août, et le délai est déjà dépassé... Je risque de sérieux embêtements, et pire encore si je veux prendre mon avion en faisant l'impasse !
Il y a foule devant le bâtiment, et je m'inquiète... sans raison pourtant, car je me retrouve en deux minutes devant un fonctionnaire aimable et prévenant, qui déclare que l'autorisation de séjour court de la date d'entrée dans le pays, pour moi le 11 mai, et donc jusqu'au 11 août. Il a l'air presque désolé que je n'ai pas plus besoin de ses services...
Parfait, je peux aller confirmer chez Ariana mon vol du 9 août. Ca ne pose pas non plus de problème, même si je doute un peu de leur méthode de validation, sans informatique ni liste de passagers...

Bordj-e Chahr-e Ârâ
   Bordj-e Chahr-e Ârâ

Donc, si tout va bien, j'arrive à Paris mardi soir, via Istanbul et Zürich. Si ça se trouve, je voyagerai le même jour qu'Amélie, qui vient de décider de se faire rapatrier, même si son état s'est nettement amélioré : elle a vraiment besoin de vacances et de repos. On se retrouvera à Kaboul en septembre !
Dimanche 7 août 2005, 16 assad 1384. Bon, voilà, la semaine prochaine je serai à Paris...
Ce matin, alors que je descendais notre rue, marchaient devant moi deux femmes vêtues de la tenue traditionnelle des koutchis, les nomades qui poussent leurs troupeaux à la recherche des meilleurs pâturages. Elles portaient sur la tête les mêmes ballots d'herbes que nos petites faucheuses...

En descendant la rue...
   En descendant la rue...

Pour clôturer mon séjour, j'ai rencontré aujourd'hui Elisabeth Rousset, responsable DH à la délégation de la Commission européenne en Afghanistan. J'ai commencé par lui montrer mon livre, qui l'a beaucoup intéressée, de sorte qu'elle a aussitôt demandé à l'un de ses collaborateurs d'en faire une photocopie (ce qui a permis à notre entretien de durer le temps exact que cela a pris !... soit un petit quart d'heure, c'est toujours ça de gagné). J'ai appris qu'un appel à projets de la Commission, clos le 20 septembre et doté de 5 millions d'euros, concerne les conséquences des violences domestiques. Affaire à suivre, donc. Et puis, peut-être qu'une traduction en dari du Principe d'égalité pourrait trouver sa place dans les lignes budgétaires de la Commission.
Le soir, les quelques personnes à Kaboul qui sont devenues mes amis se sont retrouvées autour d'un verre à la guest house. Pour remplacer la soupe de poisson bi-quotidienne qui avait été recommandée à Amélie (source indispensable des sels minéraux qui lui sont nécessaires pour aller mieux), et surtout pour le plaisir du palais des expatriés frustrés de ces gourmandises, j'avais déniché un saumon fumé, qui a fini en tranches froissées sur crackers... On en redemandait... sauf peut-être les Afghans peu habitués aux fruits de mer.
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