Un petit tour et puis s'en va...
Dochambé 14 qows 1384 (5 décembre 2005), hier soir je suis passée à la télé afghane...! Bon, d'accord, c'est par hasard. La semaine dernière, Amélie, Odile (repartie il y a maintenant deux jours) et moi avons assisté à un spectacle de danse en ville (au FCCS, qui avait déjà organisé le concert il y a quelques semaines). Nous avons été filmées dans l'assistance, et c'est le tchowkidar du bureau, Khalil, qui nous l'a annoncé, très joyeux.
Le spectacle lui-même était superbe. La jeune femme était seule en scène pour de la danse classique indienne, puis une adaptation moderne. Après renseignement, il paraît qu'elle est de Lahore. D'ailleurs son style m'a fait penser à ce que j'imagine des prestations que donnait Jahanara, la cousine de Timour... qui paya de sa vie la beauté de son art.
Ce matin, j'ai enfin rendez-vous (ça fait six mois que j'essaie) avec le directeur de l'AREU - Afghanistan Research and Evaluation Unit, Paul Fishstein. Je lui présente mes travaux, qu'il s'accorde à trouver très intéressants, et semble ouvert à la possibilité que je les poursuive en tant que stagiaire dans son organisme. Il faut que je prépare un document d'action... Mais je commence à trouver agaçante cette propension des gens à vouloir qu'on leur fournisse gracieusement un travail (mon livre en l'occurrence). Si les organismes ou centres de recherche qui s'intéressent à l'Afghanistan ne l'achètent pas, ce bouquin est bien loin d'atteindre le premier "500 exemplaires" des ventes qui me permettrait de commencer à recevoir des droits d'auteure.
Séchambé 15 qows 1384 (6 décembre 2005), hier au dîner nous avons reçu deux des médecins de MRCA, le Dr. Habib et le Dr. Khalil. C'est Jean-Michel qui était à l'origine de l'invitation, lancée la semaine dernière. Il avait insisté pour qu'ils amènent leurs épouses, sans succès. On avait aussi discuté sur l'heure appropriée : certains (dont moi) jugeaient qu'il vaudrait mieux avancer nos habitudes, pour se rapprocher de l'heure afghane du repas du soir (juste après la tombée de la nuit qui arrive avant six heures). Jean-Michel avait concédé la préparation du dîner pour sept heures trente. Et il avait prévu de nous régaler d'une recette de sa besace, un poulet aux radis, coriandre et noix de cajou.
A cinq heures (heure à laquelle ils quittent habituellement le bureau alors que les expatriés y restent en général jusque vers huit heures), nos deux invités se sont installés dans le jardin du bureau, à attendre que nous soyons prêts. Nous avons accéléré notre mouvement. A la maison ils se sont annoncés rapidement, alors que nous étions tous dans la cuisine à éplucher fruits et légumes selon les instructions de Jean-Michel. Le temps que le menu soit prêt, ils avaient fait connaissance avec Nora et Stéphane, ainsi que de Thierry, un voisin d'une ONG belge amie, qui passait par là.
A la différence du Dr. Khalil, qui a travaillé avec MSF et séjourné plusieurs fois en France, c'était la première expérience de dîner français pour le Dr. Habib... Probablement qu'un accompagnement de riz aurait aidé à faire passer les saveurs qu'il découvrait - nous (les Français) fûmes unanimes à trouver le plat original et délicieux.
Au moment du thé, les invités se sont enhardis à s'interroger sur nos habitudes. Le Dr. Habib avait regardé Nora avec étonnement toute la soirée. Il demanda à Jean-Michel d'un ton dubitatif : "You don't sleep alone?" Et comme il ne semblait pas croire la réponse de Jean-Michel (qui a effectivement fait ceinture depuis son arrivée à Kaboul), celui-ci renchérit d'un air rigolard : "But you have a sister?" Le Dr. Habib ne comprit pas, et se tourna vers le Dr. Khalil, qui déclara d'un air choqué : "I will not translate this..."
Il y eut un blanc, meublé des regards courroucés de l'assemblée vers Jean-Michel qui semblait ne pas comprendre qu'il put y avoir offense dans sa plaisanterie. Mais nos deux amis sont repartis rapidement, sans un mot de plus.
Tchahr-chambé 16 qows 1384 (7 décembre 2005), je suis passée à Ariana faire reconfirmer mon billet de retour. Ce sera bien mardi prochain, le 13.
Hier, sur Internet, j'ai réservé un aller-retour en train pour aller passer Noël en famille. Les billets m'attendront directement à Bagneux, grâce à la poste... un service quasi-inexistant ici.
Pandj-chambé 17 qows 1384 (8 décembre 2005), le bureau MRCA reçoit l'équipe Operation Smile, une mission de chirurgiens plastiques italiens qui font périodiquement des interventions dans des pays démunis.

De gauche à droite : la journaliste de Operation Smile, Amélie, un chirurgien de OS, Dr. Stanekzaï DG de MRCA, un autre chirurgien OS, Dr. Hamkar chirurgien du RSU, Khalil administrateur du RSU, Kazim Dir.Ops. de MRCA
   De gauche à droite : la journaliste de </i>Operation Smile<i>, Amélie, un chirurgien de OS, Dr. Stanekzaï DG de MRCA, un autre chirurgien OS, Dr. Hamkar chirurgien du RSU, Khalil administrateur du RSU, Kazim Dir.Ops. de MRCA
Djouma 18 qows 1384 (9 décembre 2005), je dois préparer mes affaires pour le retour.
Et aussi faire une visite qui me tient à coeur depuis des mois... Vous ai-je parlé de Zohra ? Une femme afghane décédée il y a bien longtemps, mais dont la mémoire est chérie par ceux qui l'ont connue. Elle était encore jeune quand son mari est mort dans un accident d'avion. Selon la tradition, ses six jeunes enfants auraient dû lui être enlevés, et confiés à l'un de ses frères, qui les aurait emmenés chez lui, dans le sud de l'Afghanistan, loin de tout et en particulier loin des écoles.
Elle se présenta devant le juge pour réclamer le droit d'élever elle-même ses enfants, à Kabul, grâce au patrimoine qu'avait laissé son époux. Ses enfants disent qu'ils lui doivent tout...

Zohra repose dans un cimetière à flanc de colline, dans un quartier du sud de Kaboul.
   Zohra repose dans un cimetière à flanc de colline, dans un quartier du sud de Kaboul.
Chambé 19 qows 1384 (10 décembre 2005), Shukoor est passé à la guest house pour m'apporter une malle qui complètera la capacité de stockage dont je dispose avec celle que j'ai fait venir de France. C'est que je commence à accumuler quelques petites affaires : des verres de Herat, des paniers de rangement, des vêtements couleur locale, un tapis... Toutes ces choses m'attendront bien sagement chez MRCA, et j'espère revenir dès le mois de janvier...!
Mais je ne vais pas laisser dans une malle la veste en mouton que j'ai trouvée hier dans une boutique de Qoutche Morgh Ferouchi.
Yakchambé 20 qows 1384 (11 décembre 2005), depuis quelques temps il fait un froid de canard la nuit, jusqu'à moins six selon la météo. Mais le ciel est toujours aussi pur, et en début d'après-midi il peut faire une vingtaine de degrés dehors. Je vais regretter ces constrastes quand il faudra affronter la grisaille de décembre en France...
Pour me joindre : cliquez ici