Mises au point
Dochambé 2 aqrab 1384 (24 octobre 2005), il y a un nouveau locataire à la guest house : Didier, le trésorier adjoint de MRCA, est arrivé hier de Paris en avant-garde du board au complet, pour les "missions d'automne" traditionnelles de l'association - et cette année pour la célébration du vingtième anniversaire. D'ici deux semaines, la maisonnée va doubler, et d'ailleurs les éléments non-MRCA que sont Nora et Stéphane vont trouver refuge ailleurs pendant le plus clair du mois de novembre.
À la réunion hebdomadaire du staff, je montre un projet d'invitation à mettre au point d'ici la fin de la semaine. L'exercice est hautement diplomatique : il faut ménager sa juste place à chacune des personnalités impliquées - l'ambassadeur de France, le ministre de la Santé, l'Union européenne... et faire partager le plaisir aux invitants. Notre DG souhaite qu'on y mette aussi le ministre de l'Enseignement supérieur (puisque certaines activités de MRCA en dépendent), Kazim, le directeur des opérations, pense au ministre de l'Economie (patron des ONGs...). Tout le monde s'accorde déjà sur le choix de la photo : une jeune mère à l'oeil fier et grave qui releva ostensiblement son tchadri devant l'objectif de Jean-Marie (bénévole membre du board), alors qu'il faisait le tour de la consultation de l'hôpital de Charikar en 2003.
Séchambé 3 aqrab 1384 (25 octobre 2005), le Dr. Stanekzaï tient absolument à "son" ministre... Il m'emmène en visite à l'Université de médecine de Kaboul, chez un de ses copains de fac qui en est le chancelier, et accessoirement conseiller du ministre. La fac' de médecine est située juste en face du campus principal de l'U. de Kaboul, que j'ai eu l'occasion d'arpenter dans tous les sens il y a trois mois. Le changement est palpable : partout des travaux d'aménagement, d'embellissement, comme si une bonne fée était en train de donner un coup de lustre. Ce nouveau chancelier a été nommé il y a seulement deux mois, et semble vouloir laisser sa marque (...comme dirait ma soeur préférée...)
A l'intérieur, les couloirs en réfection portent encore les traces des combats qui y ont eu lieu. Mais le bureau du chancelier a déjà reçu le traitement qui convient : une première antichambre, de la taille d'un salon, abrite le bureau d'un secrétaire et propose une rangée de chaises alignées contre les murs. Nous y attendons un petit quart d'heure, alors que Stanek en profite pour saluer les différents membres de l'assemblée. Nous sommes ensuite introduits dans le bureau du maître des lieux, à travers une autre pièce, un peu plus grande, qui semble servir de salle de réunion. Nous voilà enfin dans les lieux : une pièce de ving mètres de long, à traverser dans sa longueur pour atteindre le bureau de l'occupant, sur plusieurs épaisseurs de tapis et entre deux rangées de fauteuils et canapés en cuir velours, également alignés contre les murs.
Je repense à une remarque faite par Shoukria Haidar, de Negar - l'année dernière seulement, mais j'ai l'impression que c'est déjà loin : "En Afghanistan, il faut présenter au top, quel que soit le coût, c'est ce qui donne de l'importance à la fonction qu'on représente."
En tous cas, notre hôte et Stanek se répandent en effusions. Et pour nous obliger (Stanek avait dit : "Par lui, nous aurons le ministre..."), notre homme mande le secrétaire qui compose le numéro de téléphone dudit ministre directement sous nos yeux. Comme le numéro est occupé, le secrétaire recommence de nombreuses fois de suite, haut-parleur branché, ce qui ponctue notre conversation des bips électroniques du numéro et de la stridente tonalité occupée.
Alas... le ministre est en conseil au palais présidentiel... Il faudra attendre qu'il rappelle.
Tchahr-chambé 4 aqrab 1384 (26 octobre 2005), avec Kazim, le directeur des opérations, je fais enfin le tour des fournisseurs qui produiront les matériels variés de notre manifestation. Une chemise en carton (pour les dossiers de presse) est quelque chose d'inconnu ici, il faut la faire fabriquer de toutes pièces. Pour l'exposition photographique, on peut se reposer sur les prestations de fabricants de panneaux publicitaires, qui commencent à pulluler.
En l'absence du Dr. Stanekzaï - en tournée à Azra pour l'inauguration du centre de santé - Kazim a également pour mission de recueillir la réaction du ministre. Nous retenons l'invitation...
Pandj-chambé 5 aqrab 1384 (27 octobre 2005), pas de nouvelles du ministre, la version définitive de l'invitation part à Paris pour les dossiers qui seront envoyés directement à la presse française, par Jean-Marie avant son départ le 3 novembre. (Message personnel : est-ce que mon pull est arrivé jusqu'à lui ?)
En fin de journée, je balance en ligne la version française du site MRCA, vous pourrez également y trouver l'invitation !
Djouma 6 aqrab 1384 (28 octobre 2005), pas de repos hebdomadaire pour moi : je mets au point au bureau (quasiment seule entre le tchowkidar aux petits soins - il m'apporte des bolonis pour déjeuner- et Kazim qui a toujours quelque chose à faire...) la version anglaise du site MRCA (qu'on peut atteindre en cliquant sur le petit drapeau ad hoc du bandeau supérieur) et ...tente vainement de la mettre en ligne...! Le serveur est down ! Plus de site MRCA sur le net, plus de blog, plus de FTP... Plus de PL non plus au téléphone, ni en chat, ni en e-mail (il n'a pas répondu à mes dernières questions), pas de nouvelles non plus de mon pull...
Bon, je sais bien qu'il est très pris par sa nouvelle école, et que la remise en route du serveur peut bien attendre vingt-quatre heures, mais de loin comment évaluer vraiment une éventuelle urgence ? Je mets en branle les réseaux familiaux, qui semblent assez peu sensibles à mes inquiétudes maternelles et fonctionnelles...
Chambé 7 aqrab 1384 (29 octobre 2005), nouvelle journée au bureau malgré le week-end. Bonne nouvelle, le serveur de PL s'est remis en route... je peux uploader la version anglaise du site, mais pas de contact direct hormis un message laconique d'A. pour désamorcer la mêche...
En milieu de journée souffle un vent d'effervescence, comme si une certaine urgence s'était emparée du staff, à vouloir ainsi régler pendant leur temps de repos des questions qui auraient pu attendre, en toute logique afghane. Est-ce le stress qui s'empare d'eux ? L'échéance maintenant très proche des festivités qui s'impose ?
En fin d'après-midi, Kazim et Khalil (le directeur du RSU, le service de chirurgie réparatrice situé à Maiwand, juste à côté du bazar) m'accompagnent en ville pour faire emplête d'un patou, cette pièce de laine qui a, selon la tradition, quatorze usages différents (couverture, nappe, serviette, rideau, linceul, parasol, ballot... je suis loin de les trouver toutes ) mais qui pour moi va principalement servir de manteau. "Moubarak !" s'exclame le tchowkidar du bureau, puis "Tabrik !" Sabeq à la maison... Je suis félicitée, comme si maintenant je faisais partie de la famille.
En plein bazar, vers cinq heures, j'ai reçu un appel téléphonique du Dr. Stanekzaï : "Gauhar, we'll see the Minister of Higher Education tomorrow at 1 p.m. Don't send the invitation, wait untill we see him !"
Yakchambé 8 aqrab 1384 (30 octobre 2005), je passe une partie de la nuit, à la lumière de ma lampe de poche, à vous écrire. Le patou me garde au chaud.
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